Go, girl !

A la faveur des festivals d’été, dans la série « j’ai testé pour vous »… Cette semaine, j’ai réalisé le rêve que caressent secrètement toutes les filles à travers le monde et à travers les âges: j’ai fait pipi debout. C’est peut-être un détail pour vous, les gars, mais pour nous, les filles, ça veut dire beaucoup. Parce qu’au-delà du fait de posséder le même pouvoir que l’autre moitié de l’humanité, ces hommes, à la fois si semblables et si différents, c’est, pour nous, les clés de la liberté.
Quelle amatrice de good music ne s’est jamais retrouvée dans une file d’une demi heure avant de pouvoir se soulager, pour, au moment où elle peut enfin relâcher son périnée, entendre résonner, au fond de sa Cathy Cabine, les premières notes du concert suivant, qu’elle va donc invariablement manquer ? Quelle baroudeuse des villes s’étant intercalée entre 2 autos stationnées dans le parking n’a jamais vu ses fesses soudain mises en lumière par la voiture de derrière ? Oui, celle qui décide toujours de partir au moment crucial… Quelle festivalière des champs, à bout de force et de patience, n’a jamais fini par opter pour le champ de maïs voisin ? Ca pique, le maïs… mais pas autant que les orties… Aujourd’hui, tout cela est terminé ! Si Dame Nature a été facétieuse en ne dotant pas tous les humains du même petit robinet d’origine, elle a quand même aussi créé les ingénieurs. Et des équipes ont planché sur la question jusqu’à concevoir enfin le Graal : le go girl.

go girl
Alors le go girl, qu’est-ce que c’est ? C’est une prothèse en silicone, pliée dans un petit tube très discret, que l’on peut emmener partout avec soi. Ergonomique, elle s’adapte parfaitement au corps féminin et fournit le chaînon manquant : le petit tuyau qui permet de faire pipi debout. Et ça marche ! J’avoue l’avoir testé d’abord en conditions de laboratoire – c’est-à-dire à la maison, dans les toilettes, sans pantalon et entourée de torchons « pour le cas où »… Je n’ai pas fait doucement : j’ai voulu y aller franco pour voir si l’on pouvait réellement faire confiance à l’objet, si, à débit naturel, il y avait des fuites ou des sorties de route par les côtés.
Mais non, rien. Tout c’est bien passé. Forte de cette première expérience, je l’ai emmené à la mer. Pour faire pipi dans les dunes. Il y a un petit sachet dans le tube, qui permet d’isoler le go girl après usage jusqu’à ce qu’on trouve où le rincer. Parce qu’évidemment, on n’a pas toujours un lavabo à proximité. Le tout, c’est de ne pas l’oublier une fois qu’on est rentré et de ne pas le laisser mascérer… Bon, après usage, c’est un peu comme la tente bien connue des campeurs qui se monte facilement et se démonte beaucoup moins facilement : rentrer le go girl dans son tube , c’est du sport… Mais grâce à lui j’avais pu écrire mon prénom dans le sable, et ça, ça n’a pas de prix !

Puis est venu le grand jour :celui du festival.
Test en conditions réelles, sur le terrain, sans les mains ! Enfin si, avec les mains, c’est une expression hein… Enfin voilà. J’ai hésité. Je suis allée vers les urinoirs et fait demi tour trois fois. Mais quoi, je ne suis pas une dégonflée ! Donc j’ai fini par me lancer. Je me suis approchée. J’avais sorti le go girl avant,histoire de ne pas devoir chipoter au moment M. J’ai déboutonné mon jeans… Et c’est là que je me suis rendu compte que, pour placer le go girl correctement, il fallait quand même que je me dénude pas mal…! Tandis que mon pantalon retombait sur mes cuisses alors que je tentais maladroitement de le retenir d’une main, j’essayais, de l’autre main, d’écarter ma culotte pour aller placer l’engin sous moi. D’un coup, le maïs et les orties m’ont paru moins hostiles. J’ai presque regretté la Cathy cabine. Par contre, la tête de mes voisins, ça, ça valait le détour !

Les hommes ne sont pas prêts à ce que les femmes pissent comme eux. Avec eux. Parmi eux. Au demeurant, moi non plus. Aujourd’hui, les festivals ont fait de gros progrès en matière de sanitaires et, la plupart du temps, c’est relativement proppre et pas trop embouteillé. Je crois que je vais préférer continuer à faire ça entre soi, à l’abri d’une porte et des regards. De pouvoir laisser tomber mon pantalon aussi bas que je veux, de ne pas sentir le vent frais me fouetter les fesses, de m’asseoir confortablement.

Au final, j’ai surtout utilisé le go girl sous la tente, à remplir des bouteilles chaque matin où j’ai eu la flemme de me lever et de patauger dans la boue pour évacuer le trop plein de bières de la veille. Et maintenant, je me le garde dans la boîte à gants, pour les urgences le long de la route des vacances.
Si d’aventure vous voyez une blonde, robe relevée jusqu’à la taille, en train d’arroser un peuplier sur la Nationale 7, vous saurez qui c’est…

Maux d’emploi

Maux d’emploi

Et, un matin, c’est le drame.

Je ne l’ai pas vu venir.

Rien ne le laissait présager.

Aucun signe de faiblesse n’était apparu.

Saleté d’obsolescence programmée !

Ce matin : pas de café.

La machine refuse obstinément de s’allumer.

Sans ma came indispensable, même en vacances, je peine à démarrer.

Je me traîne dans la salle-de-bain, histoire de noyer mon chagrin sous des litres d’eau chaude.

Je saute dans un jean, un T-shirt, et hop : direction la chaîne de magasins d’électro.

Si je peux encaisser le choc de la perte de la machine un jour, le 2e matin sans kawa risque de me faire tomber dans une grave dépression !!

La clim ‘ qui tombe à donf dès les portes coulissantes a directement raison du peu d’énergie que la douche m’avait procurée.

Face à moi, un rayon tout plein de machines à café. La paradis.

Non, l’enfer, en fait.

Laquelle prendre ???

machine café

L’une fait un petit ou un grand café et y’a des tas de goûts différents, genre pour les spécialistes. Genre y’a des cafés millésimés. Enfermés dans des capsules métalliques qui doivent coûter la peau des fesses à fabriquer (ce que confirme l’étiquette sous la boîte) et être une plaie à recycler. Y’a au moins 7 modèles de ce truc, avec du chrome qui brille, comme sur les motos.

L’autre fait tout un tas de trucs différents : latte, caramel, et même du cacao et du thé. Ah : ça fait quand même aussi du café. Y’a aussi 4-5 modèles, aux courbes ovoïdales qui rendent l’objet un peu sympathique, voire humanoïde.

Puis y’a…

–  « Bonjour, vous connaissez la promotion ? »

Un vendeur me tire de ma réflexion comparative des avantages et inconvénient de chaque engin

– « Heu, non ».

– « Et bien c’est simple. Enfin… Bon voilà : certaines machines à café sont en promotion. Vous trouverez les petites étiquettes à côté »

Et d’accompagner la parole du geste : il va pêcher un petit portant à étiquettes promotionnelles planquée derrière l’une des cafetières.

– « Pour en bénéficier, il suffit de découper l’étiquette du code barres. Pas celui-là (il montre le code barre sur la boîte) mais le gros, ici, sur l’étiquette blanche. Ensuite vous remplissez le petit bon, vous le renvoyez à l’adresse indiquée – en tout petit, là… oui c’est petit, hein – avec un RIB, et vous aurez 10% sur la machine. Ca vous coûtera évidemment le prix d’un timbre».

Je me marre doucement à l’idée que non seulement il faut être ingénieur en machinerie à liquides pour choisir un appareil en comprenant ce qu’on achète, mais qu’en plus il s’agit d’être aussi doctorant en sciences économiques du remboursement pour suivre la procédure sans se tromper ni rien oublier.

Je lâche : « Un RIB ? Et mon carnet de vaccination en ordre, aussi ? »

Il rit pas. Les vendeurs n’ont pas d’humour.

Il toussote et enchaîne : « ahem… oui, bon… enfin, il faut aussi quand même compter 2 mois pour être remboursé ».

Je le regarde et souris. Le remercie et m’éclipse. Sans rien acheter.

Trop compliqué.

En rentrant, je fouille les fonds d’armoire et déterre un percolateur. Un bon vieux percolateur. Qui fait du café. C’est tout ce que je demande à ce genre de machine. Je suis EN VACANCES !

Maille à partir

Et, donc, tu as une maille dans tes bas.
Une maille, que dis-je : c’est un trou, un cratère, une faille sismique dans la couche de nylon.
Et, donc, ça se voit, forcément.
Et tu t’en fous.
Mais y’a toujours une « bonne âme » pour t’apostropher de loin et bien fort et faire profiter l’ensemble de tes collègues de l’information.
T’as une maille dans tes bas.
Merci mais t’es censée faire quoi? Evidemment que t’as pas de bas de rechange : c’est la loi de la contradiction universelle : tu les abîmes pile la fois où t’as rangé ton sac et jugé la précaution inutile.
Pendant que tu grommelles, y’a ton collègue pour t’arracher un sourire avec sa théorie : « les bas c’est pas solide. Façon ça se porte pas, les bas. C’est fait pour être enlevés ».
T’aimes bien sa façon de penser.IMG_1237[1]

Talk Talk – Spirit of Eden

Et, donc, tu as RDV avec l’un des OVNIs de la boîte. De ces gens que le Chef t’envoie rencontrer au lieu d’y aller lui.
Tu commences l’interview et comme t’aimes bien faire ton Raphaël Mezrahi (pédale douce quand même), tu commentes un peu ce qu’il dit. Tu parles de Gilmour et de don dernier morceau – musique de gare, et vous vous retrouvez à parler de la spéciale de Marc Ysaye sur The Wall, puis le type te dit qu’il a tous les Making of de Marc Ysaye en podcast sur son I phone, puis il parle du groupe Talk Talk, qu’on connaît pour Such a Shame mais qui en fait faisait du rock progessif jazzy, plannant, etc. Et il me tuyaute ça. Terrible. Séquence partage.

Le cuir du délit

Et, donc, après une super chouette soirée dans le centre de la Capitale, tu prends les transports en commun pour rallier ta voiture, laissée chez des potes.
D’abord, tu te dis que c’est le chapeau. Forcément, y a que toi pour encore aimer ça – ok, toi et Mme de Fontenay – donc ça attire les regards.
Mais quand même. Ce type qui te regarde passer les yeux écarquillés et accélère pour taper sur l’épaule de son pote, qui se retourne sur toi à son tour, c’est un peu exagéré.
Toi qui n’as pourtant pas peur de grand chose, t’accélères le pas et, à la faveur d’une palissade, tu tombes le chapeau avant de réapparaître plus anonymement.
Tu pensais qu’à 40 balais si tu risquais encore l’agression, ça ne serait plus que pour ton sac… Mais ça ne te fait quand même pas plaisir…
T’arrives au pré-métro et y a un type sur le quai qui te regarde descendre l’escalier comme si t’étais Line Renaud à sa grande époque. Tu te dis que c’est le manteau en cuir, les bottes. C’est sexy, le cuir.
Comme y a aucune indication claire dans ce métro de merde et que le groupe d’autres gens présents sur le quai est espagnol, tu te vois contrainte de demander ta ligne au type qui se croit au Moulin rouge. En te dirigeant vers lui, t’as mal au ventre comme avant un examen tant ça te coûte de lui faire le plaisir d’un échange verbal. En plus, il sait pas.
Ton malaise augmente et tu te dis qu’en plus, maintenant, tout le monde a bien vu que t’étais perdue. Un oiseau pour le chat, aurait dit ton grand-père.
Tu te retrouves sur un autre quai, où un type te regarde passer bouche ouverte. Puis il te dépasse à son tour, prend l’escalator et je monte a l’envers pour mieux continuer à te regarder. Tu te sens l’âme d’un demi bœuf pendu à son crochet de boucherie.
Tu te dis que c’est le short. Tu pensais qu’avec le manteau, il ne se verrait pas, mais sans doute que si. Oh, pas un mini short moulant hein, un short mi long en jeans, large, avec des bas opaques 12.000 deniers pour cacher ton bon fessard de quadra. Mais quand même, ça doit être le short.
Parce que c’est forcément toi. C’est forcément de ta faute. S’il t’arrive des bricoles. Tu t’en veux de t’être habillée comme ça. Tu t’en veux d’avoir fait ta fashionista et d’avoir cédé à cette mode du short qui, au début, ne te plaisait pas plus que ça.
Et tu repenses à Chrissie Hynde, qui t’avait choquée, cette semaine, en affirmant dans les médias que si les filles se faisaient violer, c’était leur faute, celle de leurs vêtements ou de l’état dans lequel elle étaient en fin de soirée.
Ça t’a outrée et, pourtant, sur ce quai de métro, avec ton chapeau, ton short, ton manteau et tes bottes de cuir, t’en es à penser la même chose, pour toi-même.
A croire que les filles naissent avec le gène de la culpabilité.
Tu rentres en te jurant que tu ne mettras plus jamais ce combi short. Ni ce chapeau. Ni ce manteau et ses bottes ensemble.
Tu t’en veux. Et tu t’en veux de t’en vouloir par ce que ta raison sait que ça n’est pas ta faute, que t’as le droit de t’habiller comme tu le souhaites sans que Ca ne doive t’exposer a un risque. Mais ton cœur souffre de ce que tu as suscité, à ton corps défendant.
Ce gène de la culpabilité…

Dans le miroir

Et, donc, tu te dis que ça serait pas mal de passer aux sanitaires avant le début du film, vu le nombre de jus d’orange que tu t’es enfilés sur le roof top ensoleillé durant le brunch.

Une petite dame sort juste derrière toi et, d’un mouvement de hanches souple que son grand âge ne t’avait pas laissé soupçonner, te court-circuite la place devant le lavabo.

Ah, les vieux… ont-ils tellement peur de l’imminence de la mort qu’ils poussent tout le monde pour passer devant, que ce soit à la boucherie, au marché, à la caisse de l’hyper ou, comme ici, aux toilettes ? Tu abdiques et te ranges derrière. De toute façon, y’en a pour 1 minute.

Mais en fait non. Car après s’être lavé les mains, elle dégaine un peigne et s’affaire consciencieusement à tenter de redonner forme à sa maigre chevelure roussate aux racines grises sur 3cm. Ca lui fait une coupe au bol, de page, qui semble la satisfaire.

Elle ne te laisse pas la place pour autant. Elle sort de son sac-d’Ali-Baba tout un arsenal de maquillage : fard à joue et à paupières, crayon khôl, rouge à lèvres… Un véritable ravalement de façade.

Tu souris, et t’as un peu honte, aussi : t’as au minimum 40 ans de moins et tu ne prends déjà plus autant soin de toi. Ca fait bien longtemps que tu te maquilles et coiffes une bonne fois pour toutes le matin et puis basta. tu te promets intérieurement de reprendre un peu le contrôle de ton apparence en journée.

Et tu lui inventes une vie : avec qui est-elle venue ? Pour qui fait-elle tous ces efforts ? Y a-t-il un homme dans son petit groupe de cinéphiles ? Un homme beau encore, dont les tempes grises apportent l’assurance de la protection, dont le visage buriné par le soleil et les expériences de vie raconte mille histoires à qui prend le temps de lire ces lignes ? Espère-t-elle lui plaire ? Recherche-t-elle l’amour? L’apaisement d’une fin de vie en compagnie ?

Tu ne te regardes même pas, quand vient ton tour devant le miroir. Tu rêvasses et t’interroge… C’est comment, l’amour, les émotions, l’attirance et l’affection, quand on est vieux ?

conscienceconsciencieusement à

M’as-tu vu

Et, donc, tu sors de la voiture et tu te diriges vers le supermarché, en regardant ton pied. Tes sandales ne sont pas neuves mais, vu le peu de jours de beaux temps dans ton merveilleux pays, t’as pas eu vraiment l’occasion de les faire. Et lanières rigides + canicule = pieds gonflés : ça cisaille tellement que t’as l’impression qu’on arrive à l’os.

Du coup, tu l’as pas vu venir.
Le type.
Et quand tu relèves le nez, c’est parce qu’en fait son ombre est venu perturber ta perception initiale de ta trajectoire.

Il est près. Tout près. Trop près.

Du coup, t’as un mouvement de recul.

Au lieu d’enregistrer ta manifestation physique de réprobation comme un signal lui enjoignant d’opérer un repli stratégique, il reste planté là, t’empêhcant de passer, et sourit béatement.

Tu sens les poils de ton échine se redresser d’un coup comme ceux de ton chat quand il aime-pas-trop-beaucoup quelque chose.

Tu contournes l’obstacle dans un silence tout aussi réprobateur que ton recul. Entres dans le magasin et profites de la clim.

Mais cet état de fraîche félicité ne dure que peu. Tu inspectes le rayon qui t’intéresse et, quand tu relèves le nez parce que tu sens une présence…

Il est là.

A nouveau planté devant toi.

Le même type.

Avec le même sourire béat devant ton même mouvement de recul (plus appuyé que la première fois parce que là, tu sens bien le grand malade : il est quand même revenu dans le magasin alors qu’il y avait terminé ses courses quand tu l’as croisé…)

Tu ravales ta salive et essaie de garder ton calme comme il est écrit dans les plans d’évacuation d’urgence des bâtiments. Mais le dégoût doit se lire sur ton visage : son sourire disparaît d’un coup.

Tu sors sans achat avec un sourire contrit à la caissière, qui a dû penser que tu faisais un malaise. Ce qui, au fond, n’est pas tout à fait faux.

Et tu t’en veux, bêtement, d’avoir mis une jupe. Comme si c’était de ta faute. Putain de culpabilité que les femmes traînent envers et contre tout…

Un petit coin de paradis sous un coin de parapluie… ?

Et, donc, la journée a été rude.

Couchée trop tard et réveillée trop tôt, comme trop souvent.

Comme tu t’es habillée « casual » – vu que c’est ce qui t’était demandé – tu te sens mal, avec ton jean slim et tes ballerines plates. Parce que c’est la meilleure configuration vestimentaire pour faire saillir un postérieur et des cuisses qui ne le sont pas, eux, plats. Las, c’est aussi celle qui te permettra d’encore avoir des pieds qui puissent te porter durant ta soirée, dédiée aux concerts.

Comme la température est tombée sous 16 degrés, par dessus ta blouse estivale, t’as enfilé un sweat qui fait sombrer ton casual dans le pathétique équipement idéal pour faire ses courses au hard discount. Sauf que t’es avenue Louise.

Comme il pleut depuis le matin, t’as les cheveux en berne. Ton brushing n’est plus qu’un lointain souvenir. T’as la frange frisante, le dégradé crépu, le pointe rebelle.

Tu te tâtes : rentrer ou rester? Certes tu voudrais bien voir Moriarty, ce groupe formidable à l’univers vintage-kitch et à la chanteuse dont tu jalouses secrètement la voix depuis la 1e fois où elle a ouvert la bouche devant toi. Mais t’en as aussi plein les bottes : toi, tu te voyais bien tuer le temps libre allongée au parc royal. La météo en a décidé autrement. Et ton repli au cinéma s’avère être un échec : non seulement Amy n’est programmé qu’à 19h mais il n’y a en outre aucun film digne de ce nom à 17h. VDM.

T’es toute à tes réflexions bougonnes quand tu sors de la galerie, et qu’un type se  précipite vers toi en te proposant de t’abriter sous ton parapluie. T’as à peine l’occasion d’ouvrir la bouche pour lui faire remarquer que ton parapluie est plus grand que le sien qu’il est déjà à côté de toi.

Près. Tout près. Trop près.

Parce que toi, t’aimes pas ça, les gens tout près. Surtout ceux que tu connais pas. Ta bulle personnelle est grande. Ne franchit pas les cercles qui veut. Et surtout pas d’une traite. Arrière, manant. Nous n’avons pas été présentés.

Et voilà qu’il commet une seconde erreur. « Vous savez que vous êtes jolie? » Ton reflet dans la vitrine de la boutique derrière lui te crie le contraire. Le slim. Les ballerines. Le sweat. Les cheveux. Tu le hais. Pour sa lourdeur. Pour la banalité de son approche. Pour se faire le miroir (involontaire) de la réalité. C’est ton jour de chance : t’es (encore) tombée sur un champion du monde.

Tu te mords la langue pour éviter que ne sorte le fond de ta pensée parce qu’on t’a déjà reproché souvent ton manque de coopération avec la gent masculine inconnue qui essaie de copiner. Tu marmonnes un merci sans conviction et accélère le pas. Tu te félicites d’avoir mis ces ballerines, finalement : à talons, t’aurais jamais pu avoir une si belle accélération!

Mais évidemment, arrivée au bord du parvis, t’arrives pas à ouvrir ton parapluie et tu perds d’un coup l’avance que t’avais prise. Merde. L’autre est déjà à nouveau près. Tout près. Trop près. Et il t’abrite alors que t’es encore protégée par la galerie (pcq t’es quand même pas assez idiote pour faire tes efforts d’ouverture sous la pluie). Et comme si ça n’était pas encore suffisant, il se vante de t’être utile.

T’as qu’une envie : courir très vite, très loin.

Ton parapluie, ayant sans doute perçu ta détresse, accepte enfin de se déployer.

Tu t’envoles à l’assaut du mauvais temps. Mais l’autre lâche pas l’affaire. Il s’élance à ta poursuite en te demandant :  » je peux vous dire quelque chose? » T’arrives difficilement à réprimer le « NON! » qui te monte naturellement (a-t-on idée, aussi, de poser une question-perche pareille ?) qu’il enchaîne déjà « je peux vous accompagner un bout de chemin ? »

L’image d’un énorme boulet accroché à ta jambe se matérialise devant tes yeux ébahis par tant d’audace aussi inappropriée qu’évidemment veine. Tu retentes une accélération. L’autre a bondi et, t’emboîtant le pas en manquant de t’enfoncer dans l’oeil une baleine de son parapluie, il répète sa question (dès fois que si t’as pas répondu, c’est juste parce que t’es un peu sourde). Et là, tu craques. Tu te retournes sur lui et tu lui réponds doucement mais fermement : « ou pas ».

Il en reste sans voix (Sans blague ? Serait-ce la 1e fois qu’il se fait éconduire en se comportant de la sorte ???) et s’arrête net. T’en profites pour creuser l’écart. Tu l’entends vaguement parler encore dans ton dos, t’évites soigneusement de te retourner.

Il ne te suivra pas. Mais toi, tu feras tout le chemin en te demandant « pourquoi moi??? »

Bon appétit, bien sûr !

Et, donc, ils appellent ça « soupe ».

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Et toi -naïvement- tu crois que c’est cette denrée liquide avec de vrais morceaux de légumes dedans que tu as mangée avec délectation chez ta mère et ta grand-mère des années durant.
Mais quand t’ouvres la tetra brick, tu tombes sur cette… Chose… Gélatineuse et brillante… Qui a l’aspect d’un yaourt, sauf que c’est vert.

Tu vas quand même aller voir dans l’armoire s’il ne reste pas des biscottes, plutôt…

… et marche à l’ombre

D’abord, c’est diffus.

Mais, très vite, ça te pique au nez. Te prend à la gorge.

Instinctivement, tu cherches à fuir. Mais depuis le temps que tu fais la file, ça te ferait quand même mal de quitter l’approche des caisses maintenant.

Tu ne te retournes pas.

Il est sage de ne pas chercher à savoir ce que l’on sent intuitivement que l’on n’a pas envie de savoir.

Mais évidemment, au bout de 3 minutes, tu craques.

Il faut dire que c’est totalement insupportable, ce mélange de chien mouillé, de lait caillé, de draps où l’on a dormi si fort qu’ils s’en souviennent.

Tu te retournes.

Tu ne vois rien.

Ca se passe plus bas.

Il est tout petit.

Le type.

Veste en faux cuir qui retient la transpiration, le jeans qui tient debout tout seul, les cheveux si gras qu’on pourrait faire des frites pour toute une colonie, plaqués contre son crâne.

Non content d’exister si fort olfactivement, il s’agite. Pousse tes affaires (aaaaaaaaargh, pas toucher !!!) pour poser les siennes sur le tapis, en un va-et-vient tout sauf érotique.

T’emballes tes courses plus vite que tu ne l’as jamais fait, paies et t’enfuis, le coeur au bord des lèvres.

De grâce, avant d’aller faire des courses : LAVEZ-VOUS, les gens !!!